Quand on écrit un essai, on est censé être objectif, ou au moins prétendre l'être. Et dans mon cas, il faut bien reconnaître que je suis bien loin de pouvoir parler de cette moto objectivement. Je l'admets volontiers, ca fait déjà plusieurs années que je pense posseder un jour une Road-King. Alors si c'est de l'objectivité que vous cherchez dans ce texte, j'ai bien peur que ne soyez très déçus...
D'un autre coté, j'ai essayé cette moto dont je révais sur une longue durée, bien plus qu'un échange de motos entre potes, voire un essai de journaliste dans la presse spécialisée. Il s'est ici agit d'une boucle avec armes et bagages d'environ 3.200 km, dans le pays d'origine de la machine. Par contre, nous avons privilégié les petites routes à virage aux autoroutes a chaque fois que cela a été possible.
Prise en main
La prise en main de la moto est impressionante.Tout de même très lourde a l'arrêt, avec son pare-brise et ses grandes sacoches cuir, et même mon propre équipement. La position est sénatoriale, quasiment naturelle, a part pour les jambes très (trop?) en avant. Enfin une moto à ma taille ;-) A vue de nez, les commodos sont conventionnels, même si les commandes de clignotants sont à la sauce allemande avec un bouton à gauche et l'autre à droite. On s'y fait vite, et l'avantage est d'offrir un "Warning" quand on actionne simultanément les deux boutons. Le démarrage est particulier, dans la mesure où la clé tubulaire ne reste pas sur la serrure quand le contact est mis. Le gros souci est qu'il est possible de s'éloigner de la machine avec les clés en poche sans pour autant empêcher un éventuel malotru de partir très facilement avec la bécane. Vu le prix de celle-ci, la perspective est effrayante. S'il existe une alternative à ce système, je l'adopterais sans hésiter... Je connais quelqu'un qui s'est fait piquer sa machine, toute neuve, juste en allant chercher les croissants...
La procédure pour démarrer est donc un peu particulière : on tourne la clé, la range dans la poche, actionne un contacteur rotatif situé sur le réservoir, la pompe à essence se fait entendre (il s'agit du modèle à injection) et l'on peu actionner le démarreur. Pas de starter, l'injection s'occupe de tout. Le moteur tourne un peu plus vite que sur les anciens 1340, et le son ressemble moins au fameux "potato-potato" que la marque avait tenté de breveter :-) Les pots disponible sur mon modèle sont assez bruyants, mais juste ce qu'il faut. Le genre qui ne passe surement pas aux mines, mais qui sont tolérables pour l'environnement. Pour le pilote en tout cas, le bruit est superbe, surtout à pleine charge.
Il faut chercher le sélecteur double-branche assez loin en avant pour passer la première. La boite semble franche, juste ce qu'il faut, pour bien réaliser qu'on a passé la vitesse, même après deux verres de Jack Daniel's ;-) . L'embrayage est assez ferme, la faute à une machine presque neuve (5.000 km au compteur lors de la prise en main). Par contre le point mort n'est pas toujours facile a trouver. Dès que la machine roule, son poid se fait oublier, mais c'est au premier feu rouge qu'on réalise vite a quel point la moto est lourde !
Cuir et chrome !
Il faut dire que chez Harley, ils n'ont pas mégoté sur la qualité de fabrication, ni sur la quantité de métal employée... Rien que la fourche et la nacelle de phare sont complètement carénés avec du bon acier chromé, les sachoches en cuir, (amovibles) pèsent un âne mort. En y regardant de plus près, elles sont en fait en matière plastique, recouvertes d'un cuir épais pour les parties visibles. La qualité semble excellente, et elles sont probablement étanches aux intempéries, ce que nous n'avons pas pu tester, la faute à un ciel parfaitement bleu pendant l'essentiel de notre test. (mais bon, on va pas se plaindre , hein!!! :-)
Après le premier feu, c'est déjà l'autoroute. Une bonne accélaration, on sent que le moteur respire bien et que la cylindrée, conséquente, offre un couple qui ne l'est pas moins. C'est puissant sans être dangereux, et ca n'incite pas à tirer les rapports. Ah, rouler le nez au vent sur une autoroute californienne, vers le sud, avec ses lunettes de soleil, le tout dans un bruit superbe et régulier qui s'échappent des pots d'échappements disposés symétriquement, longs comme un jour sans potes ni apéro... Mais je m'égare... Si c'est un compte rendu de balade, qui vous interèsse, c'est plutôt là que ca se passe ! Les premiers virolos de Skyline s'annoncent, et c'est l'occasion de vérifier que maintenant, c'est officiel, on peut dire "ma Harley freine correctement" sans qu'on vous prenne pour un mythomane. Le frein arrière, puissant, permet de bloquer la roue si on n'y prend pas gaffe. Mon expérience du freinage intégral de la Guzzi est ici un handicap, moi qui ai l'habitude de l'écraser sans arrière penser quand il faut ralentir. Le double disque avant est bien, pas trop brusque, mais efficace tout de même.
Ah, il est temps de s'arreter pour lire la carte, on se range dans un coin avec des gravillons et de la terre. Hummm, on sent bien le poid de la bête, sur cette surface qui accroche peu les semelles. C'est un peu flippant. D'ailleurs, pendant la semaine, nous avons réussi (Julien et moi) a "poser" chacun la nôtre sur les pare-jambes à l'arrêt, lui sur un sol glissant, et moi pour cause de béquille mal repliée. La béquille, justement ! Elle est toujours aussi stressante, a faire mine de se replier pour finalement se bloquer quand on croit qu'il est trop tard pour retenir la moto. Nulle !
Good, good, good, good vibrations !
Coté vibrations, c'est juste ce qu'il faut. Au feu, on a un peu les dents qui claquent, et on craint pour ses plombages. Mais dès que ca roule, les vibrations disparaissent, grâce au moteur monté souple. Les rétros ne vibrent pas en roulant, le guidon non plus. Bref, on a les vibrations a l'arrêt, histoire de ne pas faillir à la réputation, et sinon c'est le confort d'une bonne moto faite pour les grands espaces. Le pare-brise, qui participe beaucoup à cette sensation de confort, est sobre et efficace. Ultime raffinement, il est amovible en quelques secondes ! (10 sec. pour l'oter, 30 pour le remettre, le bonheur!) Une fois retiré, la ligne de la moto est fluide, superbe. Une vraie réussite, ce pare-brise!
Après le temps nécessaire à la prise en main, l'envie d'enrouler un peu plus fort dans les virages de montagnes nous gagne, et la Road-King se débrouille plutôt mieux que prévu, grace à une excellente homogénéité. Bien sûr, le poids et la géométrie ne permettent pas d'improviser, mais on peut rouler à un rythme décent, quitte à faire frotter la béquille dans les virages à gauche. (il faut quand même y aller franco). De toute façon, j'imagine qu'on ne peut pas aller beaucoup plus vite dans ces conditions, mais une garde au sol plus substantielle aurait été bienvenue. Coté consommation, le réservoir doit faire dans les 20 litres, et permet de faire près de 300 km, donnant une autonomie correcte pour l'usage de la moto. Et croyez-moi, si on a envie de chanter "born to be wild" dès quon la chevauche, les cordes vocales ne tiennent pas la distance, d'autant que cette version injection propose un vrai "cruise-control" qui permet de lacher la poignée de gaz en ligne droite. Dans les montées, la poignée tourne toute seule pour maintenir une vitesse constante. Magique ! Ce système, qui peut passer pour un gadget, n'en est pas un sur autoroute dégagée.
Enfin, dernier point, l'esthétique. Comme disait Coluche, "des coups et des douleurs, on ne discute pas"; (mais il devait surement faire reférence aux prix ;-) Pourtant, les jantes à rayons, les pots symétriques, la ligne classique et "inimythable", la qualité des matériaux (peinture, chromes, polissage de l'alu), font que l'habillage de fourche et les flancs blancs passent bien, se fondent dans l'ensemble, et donnent à la moto une classe impressionnante.
Conclusion
Au final, cette Road King Classic Injection est vraiment très attachante. Confortable grâce à ses bonnes suspensions et la position du pilote, son pare-brise et sa bonne capacité de chargement, elle permet d'avaler les kilomètres sans arrière pensée. Par son équilibre et son homogénéité qui compensent son poid, on peut rouler l'esprit tranquille, pour peu qu'on oublie le prix de la bête et qu'on pense à la verrouiller à chaque arrêt. Par son esthétique classique, son bruit fabuleux, chaque promenade se transforme en chevauchée fantastique qui permet de rencontrer les badaux attirés par les chromes, le logo sur le réservoir et la masse de la moto. Bref, rouler loin, rouler cool, profiter des paysages, rencontrer des gens, admirer sa propre monture, c'est à peu près tout ce que je demande à une moto. Ah, si ce n'était pas ce prix hallucinant, j'en aurais déjà une dans mon garage!